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Après le 11 janvier...
mercredi 11 février 2015, par
Les manifestations et marches de dimanche 11 janvier ont rassemblé un nombre sans précédent de citoyens qui sont descendus dans la rue pour exprimer simplement leur indignation contre des actes de barbarie, pour défendre la liberté de la presse et plus généralement la liberté d’expression. L’immense majorité de ces citoyens n’avaient pas d’arrière-pensées politiques face à une situation où l’émotion joue un rôle important.
Que cette mobilisation sans précédent ne soit pas sans soulever des contradictions est une évidence. Retour ligne automatique
La première contradiction réside dans le fait que l’immense majorité des "manifestants" n’avaient probablement jamais lu Charlie hebdo, par ailleurs, une majorité des "manifestants" qui connaissaient Charlie Hebdo n’adhéraient pas forcément ni à la ligne éditoriale ni à l’esprit iconoclaste, satirique, anticlérical, provocateur, voire « scato de gauche » ou sexiste de Charlie. Mais est-ce vraiment une contradiction de manifester son indignation contre cette attaque sanguinaire de la liberté d’expression sans avoir ni jamais lu, ni soutenu la ligne éditoriale d’un canard ?
La récupération de ces manifs par le gouvernement, les autorités municipales, la participation à Paris d’une brochette de chefs d’état ou de leurs représentants est une autre évidence. Certains sont loin d’être des modèles de respect des Droits de l’Homme et de liberté de la presse : Orban, chef d’état de la Hongrie, le représentant de Poutine, le représentant de la Turquie et pour finir Netanyahou, premier ministre israélien, qui a procédé à l’assassinat de masse de plusieurs milliers de gazaouis.
Nous ne voulons pas céder à l’angélisme de l’union sacrée, de "l’unité sans faille du peuple de France". Il est clair que la posture du gouvernement n’est pas sans arrière-pensées, il entend bien utiliser la légitime émotion des citoyens pour redorer son blason et prôner l’unanimisme autour de sa politique sociale libérale. La loi Macron n’a pas été retirée et la droite libérale ne peut que se satisfaire du zèle d’un gouvernement « de gauche » qui applique son propre programme.
Quant à Marine Le Pen, la posture de la victime lui va très mal, elle qui n’a de cesse d’opposer les uns aux autres et de véhiculer des valeurs liberticides. Notons que le FN a, à maintes reprises, traîné Charlie Hebdo devant les tribunaux.
L’appel unitaire des syndicats et partis du Puy de Dôme rédigé dans l’urgence, a le mérite de développer des positions claires qui rompent avec ce miroir aux alouettes de "l’union sacrée".
De nombreux adhérents et militants de Solidaires et de SUD éducation étaient dimanche 11 dans la rue. Au regard des contradictions soulevées plus haut, certains n’ont pas souhaité participer à cette manif. Le positionnement de chacun est respectable. Nous partageons la même analyse sur ces actes inqualifiables.
Nous devons néanmoins être vigilants sur d’éventuelles dérives. On trouve sur les réseaux sociaux et certains sites des commentaires inacceptables, regrettant l’assassinat de 12 collaborateurs de Charlie tout en expliquant qu’eu égard au caractère blasphématoire de leurs dessins "ils l’ont quand même cherché". Par ces dessins satiriques, Charlie aurait, selon eux, participé au développement de "l’islamophobie", terme dont il conviendrait également de discuter la pertinence.
En effet, si nous devons dénoncer et combattre tout rejet et stigmatisation des adeptes d’une religion, nous devons également dénoncer et combattre toute atteinte aux libertés de critique et de dénonciation des religions. Le blasphème n’est pas reconnu comme délit par la loi. Et Marx était-il islamophobe, judéophobe, christianophobe lorsqu’il décrivait la religion comme l’opium du peuple ?
Aujourd’hui, nous devons réfléchir et débattre sur les causes de la montée du terrorisme, défendre la laïcité et nous opposer à toutes dérives sécuritaires et liberticides type Patriot Act.
De la même manière, nous devons, dans les écoles, les collèges et les lycées nous opposer à toute stigmatisation d’une partie de la population scolaire. Cependant, nous ne souscrivons pas aux injonctions hâtives du ministère de l’éducation nationale qui mettent les personnels en difficulté et ne peuvent que conduire à des incompréhensions avec certains élèves.
Forts du slogan affiché par de nombreux militants Solidaires, nous entendons continuer à appeler, avec nos partenaires, aux mobilisations unitaires à venir. Nous devons également poursuivre notre participation au collectif contre l’extrême droite. Nous devons ensemble, plus que jamais, être "solidaires contre les fascismes qu’ils soient nationalistes ou religieux".